[DES ARAIGNÉES ET DES HOMMES]

J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,
Parce qu'on les hait ;
Et que rien n'exauce et que tout châtie
Leur morne souhait ;
Parce qu'elles sont maudites, chétives,
Noirs êtres rampants ;
Parce qu'elles sont les tristes captives
De leur guet-apens ;
Parce qu'elles sont prises dans leur œuvre ;
O sort ! fatals nœuds !
Parce que l'ortie est une couleuvre,
L'araignée un gueux ;
Parce qu'elles ont l'ombre des abîmes,
Parce qu'on les fuit,
Parce qu'elles sont toutes deux victimes
De la sombre nuit.
Passants, faites grâce à la plante obscure,
Au pauvre animal.
Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,
Oh ! plaignez le mal !
Il n'est rien qui n'ait sa mélancolie ;
Tout veut un baiser.
Dans leur fauve horreur, pour peu qu'on oublie
De les écraser,
Pour peu qu'on leur jette un œil moins superbe,
Tout bas, loin du jour,
La mauvaise bête et la mauvaise herbe
Murmurent : Amour !

Victor Hugo, Les Contemplations, Livre III, (1856).

 Leur diversité est insoupçonnée et pourtant la représentation des araignées se résume, pour une grande majorité d’entre nous, à celles qui fréquentent notre quotidien. Occupant une place particulière dans l’esprit humain, selon les sociétés, elles sont souvent porteuses de nombre d’idées reçues que l’on peut, à travers une approche plus approfondie de leurs mœurs, expliquer de manière plus scientifique. Cette envie de découvrir afin de pouvoir transmettre ensuite ses connaissances est un des aspects fondamentaux du travail de chercheur.

Une belle rencontre entre une scientifique et une artiste dans un désir partagé de créer des liens et de proposer un autre regard sur notre environnement, a été à l’origine de ce projet basé sur l’exploration et l’observation des araignées en suivant les signes qu’elles laissent autour de nous, en particulier en milieu urbain et dans nos demeures, des lieux de vie dans lesquels nous nous côtoyons régulièrement.

En se mettant aussi à leur échelle de perception, on peut tenter de les sentir différemment et pourquoi pas, faire évoluer notre relation avec elles. A travers la photographie à la fois documentaire et poétique en lien avec la biologie, nous proposons de modifier notre vision symbolique de l’univers soyeux des araignées tout en se posant d’autres questions : où et comment vivent-elles réellement, à quoi servent- elles, quel impact avons-nous sur elles... et en s’interrogeant sur nos peurs et nos fantasmes ?

_________________

Christine ROLLARD

Enseignante-chercheuse, biologiste spécialiste des araignées. Elle exerce au MNHN de Paris depuis fin 1988. Ses activités de recherche sont orientées vers l’écologie et la description (systématique) des araignées dans différentes zones géographiques. Elle consacre aussi une bonne partie de son temps à faire ses missions d’expertise et de diffusion des connaissances au travers de formations, conférences, animations, expositions, médias et ouvrages consacrés à ce groupe zoologique si méconnu.